Ma place dans le circuit, Sabine Dormond
Par argali dans Mes lectures le 15 Août 2018
Ma place dans le circuit, Sabine DORMONDC’est sans doute l’une des angoisses
lancinantes de notre époque. Ou peut-être de tous les temps. Trouver sa place dans le
monde professionnel, quand la tendance est au dégraissage et à la déshumanisation des
rapports. Quitte à écraser l’autre. Se profiler face à la concurrence, évincer ses
rivaux. Trouver sa place dans une société de plus en plus clivée. Trouver sa
place quand on porte comme une tare la culpabilité d’un autre. Ou sur ses épaules le
poids de la vérité. Trouver sa place auprès de l’autre, jusqu’à se l’accaparer.
Trouver sa place quand la vie s’obstine à nous refuser le rôle convoité. Et la foi,
a-t-elle encore sa place dans un monde fanatiquement laïc ? … si tout l’enjeu se
résumait à ça ?
Mon avis :
Je découvre l’auteure avec ce recueil et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle
excelle dans ce genre. Chacune des nouvelles de ce recueil est un instantané pris sur le
vif de la vie d’inconnus confrontés à l’exclusion. Soit parce qu’ils ont perdu leur
travail, ou leurs repères, soit parce qu’ils se sont vus évincer pour un(e) autre. Ces
exclusions réelles ou perçues sont toutes différentes mais leur point commun est
qu’elles mettent en scène des gens ordinaires. Les « héros » bien malgré eux de ces
histoires pourraient être chacun de nous. Broyés par la vie, par la société, ces êtres
sont dépeints par Sabine Dormond avec une réelle tendresse.
Parfois criantes de vérités, parfois caricaturales, ces nouvelles mettent en évidence
l’individualisme qui grignote chaque jour un peu plus notre société et la solitude qui
tôt ou tard en découle. Est-ce cela que nous voulons ? Est-ce ce monde dont nous rêvons
pour les générations futures ? Sommes-nous à ce point conditionnés pour trouver tout
cela inévitable ?
J’ai aimé le style concis, sans fioriture de l’auteure qui captive dès les premières
lignes.
Ces nouvelles quasiment kafkaïennes se lisent parfois avec une boule dans la gorge. On y
perçoit l’exclusion mais aussi la culpabilité des protagonistes et le poids de la
rentabilité, de la performance, qui broie les rapports humains. C’est parfois sombre et
pessimiste mais tellement vrai. Une belle manière de nous faire réfléchir à nos valeurs
et aux liens sociaux que nous souhaitons. « Il en faut des rebelles, des vrais, pour
nager à contre-courant.»
Argali
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