Les parricides, de Sabine Dormond
Les éditions lausannoises BSN Press ont lancé récemment une nouvelle collection «
uppercut », consacrée au sport. Dans l’esprit des productions antérieures, les textes
sont volontiers brefs, percutants, parfois aussi noirs que les couvertures iconiques
qu’ils habillent. Les parricides de Sabine Dormond fait partie de la première série de
quatre « microromans » parus sous cette bannière.
Vincent est un enfant taiseux et secret; sa maîtrise très précoce des mathématiques ne
manque pas d’étonner. Sabine Dormond brosse avec talent le portrait d’un enfant que le
génie handicape, quand bien même le format très court du récit ne permet pas de
véritable plongée dans les abîmes de sa psychologie.
Emilie, la mère de Vincent, est tombée enceinte alors qu’elle était lycéenne. A mesure
que l’enfant acquiert de nouvelles capacités de calcul, Emilie s’interroge sur la part
d’inné chez son fils: que doit-il à ce père presque inconnu ? A travers plusieurs
générations, Dormond travaille la thématique de l’abandon; comment se construire sur une
absence, alors que chaque protagoniste semble rechercher sa propre mère ? Emilie
s’accuse d’avoir tué la sienne: n’y a t-il pas de quoi devenir… fou ? Jonglant avec les
pièces du jeu d’échecs comme autant de double-sens, l’auteure offre un récit à la
dimension symbolique marquée. Le titre ne prendra sens qu’à la fin du récit, lorsque la
boucle sera bouclée: Freud n’a-t-il pas dit que pour devenir un homme, il faut tuer le
père?
Mes yeux valsent de la bouteille au sachet et du sachet à la bouteille, un rouge d’une
écœurante similitude, deux contenus interchangeables, si intimement liés dans les veines
de mon père, ceci est mon sang buvez-en tous, mes yeux s’affolent et j’en ai le tournis,
j’essaie de fixer, sur le vide entre les deux liquides, cet espace qui me tient lieu de
mère, et c’est là que le prénom s’impose: Vincent, c’est ça, vin-sang, ça lui ira, en
hommage à ses deux grands-parents.
On retiendra de cette longue nouvelle ce qui fait la force des textes de Sabine Dormond,
un mélange de finesse et d’humour quand bien même le texte est assez sombre, une forme
de jeu sur les mots et les tournures qui fait mouche, particulièrement dans les
dialogues.
Sabine Dormond Les parricides BSN Press, 2017 64 pp.
L’auteure:
Sabine Dormond est écrivain et traductrice. Elle a présidé l’Association vaudoise des
écrivains entre 2011 et 2015. Elle publie principalement des nouvelles et est l’auteur
d’un roman. Elle est membre fondatrice d’un café littéraire appelé « Les dissidents de
la pleine lune ».
Julien Sansonnens
jsansonnens.ch | Site personnel
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