Les nouvelles masquées de Sabine Dormond
Le Parfum du soupçon est le troisième recueil de
nouvelles de Sabine Dormond paru aux Éditions Mon Village. Dix
fragrances sur lesquelles domine toujours le soupçon. Trahisons,
mensonges, dissimulations: les personnages jouent à cache-cache avec
la réalité et sont prêts à tout pour garder leurs secrets ou
perpétuer l’illusion…
L’auteur instaure ainsi un jeu avec son lecteur, et voilà ce dernier
qui traque la fuite, observe la feinte, cherche l’odeur du soupçon
entre les lignes. Il appréciera de deviner la chute ou de se laisser
surprendre, selon les indices laissés à dessein ou non. Surtout, il
se laissera emporter sans peine par le style limpide et incisif de
Sabine Dormond, qui sait provoquer tant le rire que la tendresse ou
l’indignation.
Avec la finesse d’une chimiste, l’auteur vaudoise dose et crée
différents arômes dans les des dix nouvelles qui composent le
recueil. Chacune fonctionne avec son univers et sa logique propre:
cette diversité fait la richesse de la lecture. Les thèmes sont
variés même si l’on suit un fil rouge ténu, celui de la marginalité.
Sabine Dormond s’intéresse aux âmes blessées par la vie, par la
société ou par eux-mêmes. On croise ainsi des prisonniers, des
immigrés. D’autres sont prisonniers de leur propre folie ou
étrangers à eux-mêmes.
L’univers que dépeint Le Parfum du soupçon est fait d’illusions et
de préjugés qui agissent avec beaucoup plus de force que n’importe
quel coup de poing. La résolution de « Corde raide » ou le huit-clos
désagrégé de « Ensilencement » sont, sur ce point, particulièrement
poignants. Mais il y a aussi de l’espoir et de la lumière, et ce
n’est pas l’activiste de « la gueule de l’emploi » qui dira le
contraire. Une lecture agréable, stimulante, qui titille tant la
curiosité que le goût des mots habilement arrangés.
Marie-Sophie Péclard, 16 novembre 2016
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