Le parfum du soupçon, de Sabine Dormond
Sabine Dormond
excelle dans la nouvelle. Et
son nouveau recueil, Le parfum du soupçon, n'apporte
pas de démenti au lecteur. Si la dernière des dix nouvelles donne
son titre à l'ensemble, le soupçon est le mot-clé de chacune.
Dans Ruban rouge, qui est le symbole de la journée de
lutte contre le sida, le véritable auteur d'un livre se voit
soupçonné d'en avoir dérobé un exemplaire dans un magasin, après se
l'être dédicacé devant son imposteur.
Dans Corde raide, au bout de laquelle pend une pierre,
un Kossovar est soupçonné à tort de s'en être servi pour provoquer
des accidents de voitures en la balançant depuis un pont au-dessus
d'une autoroute. N'a-t-il la gueule de l'emploi d'un terroriste?
Dans Forcenée, une détenue soupçonne ceux qui lui ont
offert un vélo, pour qu'elle s'évade dans sa cellule, de s'être
moqué d'elle. Sans qu'ils puissent l'imaginer et sans qu'elle s'en
doute, contre toute attente, ce cadeau va changer sa vie.
Dans Confitures maison, une citadine découvre dans son
jardin, en arrachant une mauvaise herbe, au pied de ses
framboisiers, un cahier, journal intime d'une précédente occupante,
dans lequel elle parle de la disparition de Zad: elle soupçonne que
son cadavre y est enfoui et déterre une tout autre histoire.
Dans Vies parallèles, une femme, qui n'a pourtant pas
la main verte, a la main heureuse en mettant en terre un palmier en
pot, en piètre état: elle soupçonne ce palmier de lui porter chance,
parce qu'elle lui en a donné une et que tout semble désormais lui
sourire...
Dans La gueule de l'emploi, un militant à pancarte a
donné une pièce, contrairement à ses convictions, à un gueux
déguenillé. Quand ce dernier l'attend au pied de son immeuble, il le
soupçonne de vouloir lui faire un mauvais sort, d'autant que c'est
un réfugié syrien...
Dans Marc d'affection, ledit Marc a trop accaparé son
esprit. Elle en vient à le soupçonner d'être nuisible à sa santé. Il
lui faut donc l'émiminer, mais cela ne s'avère pas si facile que ça.
Son mari, jaloux de ce mâle envahissant, sera plus expéditif...
Dans Bouche à branche, elle se trouve dans une cabane
aux murs blancs. Des gens doivent la visiter dans quatre jours. Elle
soupçonne qu'après ce sursis tout sera joué pour elle. En attendant,
elle a une curieuse relation avec un arbre: elle l'humanise, il
l'arborise...
Dans Ensilencement, elle soupçonne son mari de la
tromper avec sa meilleure amie, la marraine de leur fille. La
recherche d'un bigoudi sous son lit lui en apporte la preuve. Elle
tend alors un piège à son mari. Qui y tombe. Il ne lui reste plus
qu'à agir...
Dans Le parfum du soupçon, Nathalie fait une chute
improbable dans un escalier. On soupçonne un prévenu de l'y avoir
poussé. Mais qui se croit désormais tranquille et hors d'atteinte,
se fait finalement prendre au mot...
Chacune de ces nouvelles est une tranche de vie de l'époque, avec
les préjugés qui la caractérisent et qui induisent en erreur les
protagonistes - et le lecteur -, un peu trop soumis à la fragrance
de leurs soupçons.
Leur chute - c'est la loi du genre - prend donc le lecteur par
surprise. Il ne la soupçonne pas, mené habilement en bateau par
Sabine Dormond, dont le sens de la formule, et de l'humour,
contribuent à l'en distraire, en l'amusant, chemin lisant.
Francis Richard, 14 septembre 2016
Le parfum du soupçon, Sabine Dormond, 216 pages
Editions Mon Village
Livres
précédents chez le même éditeur:
Full sentimental et autres nouvelles
(2012) Don Quichotte sur le retour (2013) Une case de travers
(2015)
|